fbpx Se lancer en affaires, mais quel véhicule pour s'y rendre ? - CCIMN - Chambre de Commerce et d'Industrie de Montréal-Nord

Me Matteo Natale

INTRO

Nombreux sont ceux qui ont entendu les termes « s’incorporer » ou « s’enregistrer » dans leurs interactions quotidiennes auprès d’autres entrepreneurs, mais très peu sont capables d’expliquer leur signification, et encore moins de les distinguer. Ce court texte tentera de répondre à cette question d’un point de vue juridique et pratique. En lisant ce texte, nous disposerons d’une brève comparaison, quoique pratique, entre les deux types d’association commerciale les plus courants pour l’entrepreneur québécois, soit l’entreprise individuelle et la société par actions.

 

  1. L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE
    1. Généralités

L’entreprise individuelle est notamment la manière la plus simple de démarrer son entreprise. Elle est la première à être abordée principalement parce qu’elle n’est pas réellement une forme d’association commerciale. C’est-à-dire qu’il n’y a pas « d’association » entre plusieurs parties. Une entreprise individuelle, comme son nom l’indique, est une entreprise détenue et souvent exploitée par une seule personne. Juridiquement, l’entreprise et l’entrepreneur forment une seule et même personne.

  1. Formalités de constitution

Dans ce type de structure, il n’y a pas de constitution en société (un sujet qui sera abordé plus en détail ci-dessous) et très peu de formalités sont requises pour réellement mettre en marche cette forme d’entreprise.

Au Québec, la plupart des entreprises doivent, dès leur création, s’inscrire au Registraire des entreprises en déposant une déclaration d’immatriculation. Un petit aparté sur cette obligation semble approprié à ce stade, malgré son application limitée à ce type d’entreprise. L’obligation d’immatriculation s’applique aux personnes physiques qui exploitent une entreprise individuelle au Québec sous un nom qui ne comprend pas leurs nom et prénom (e.g. Mme Jeanne Leroux qui opère l’entreprise dénommée « Les fleurs Leroux, enr. » doit s’immatriculer). L’immatriculation a pour but de recueillir des renseignements sur les entreprises et les personnes qui font affaires au Québec, et certains de ces renseignements sont mis à la disposition du public (suivre ce lien).

  1. Avantages et inconvénients

Le modèle de l’entreprise individuelle est celui qui offre le plus de flexibilité et d’indépendance aux propriétaires d’entreprise. Les expressions « travailleur autonome » ou « être son propre patron » viennent – à juste titre – à l’esprit. En tant que propriétaire unique de l’entreprise, le propriétaire dispose d’un pouvoir pratiquement illimité en matière de prise de décision. Le propriétaire peut, au nom de l’entreprise, signer tout contrat sans avoir besoin de nulle autre signature. Il peut, par exemple, conclure des arrangements financiers avec des institutions bancaires, embaucher des employés et recevoir des biens et des services de la part de fournisseurs, de distributeurs, de vendeurs et d’autres prestataires.

Du point de vue juridique, cependant, l’entreprise individuelle laisse beaucoup à désirer. En effet, puisque l’individu et l’entreprise partagent le même patrimoine, c’est-à-dire les mêmes actifs et passifs, l’individu est également responsable des dettes et obligations de l’entreprise. À cet égard, le propriétaire court un plus grand risque en s’exposant à des poursuites personnelles par des tiers créanciers. Les biens de l’entreprise et les biens personnels du propriétaire peuvent ainsi être saisis si des dettes sont dues et doivent être payées, comme à la suite d’une faillite ou d’un jugement défavorable.

 

  1. LA SOCIÉTÉ PAR ACTIONS
    1. Généralités

La société par actions, plus communément connue par l’anglicisme « corporation », est la forme d’association commerciale par excellence au Québec. Souvent, on remarque qu’une entreprise porte un nom du genre « 1234 Québec Inc. » ou « 5678 Canada Inc. » et, par ce titre, on comprend qu’il s’agit d’une société. Les sociétés sont des associations commerciales structurées et formalisées dont l’objectif premier est de générer des profits. Contrairement à l’entreprise individuelle, la société existe indépendamment de l’individu (ou des individus) qui la compose, ce qui signifie qu’elle est considérée comme une personne morale distincte. La constitution en société désigne le processus de création et d’immatriculation d’une société auprès des autorités compétentes. L’entrepreneur peut choisir de se constituer en société au niveau fédéral ou provincial, les deux juridictions gouvernent ces sociétés par le biais de statuts distincts.

  1. Formalités de constitution

Les sociétés exigent plus de travail lors de leur création, et encore plus pour leur maintien une fois créées, du moins relativement à l’entreprise individuelle. Les sociétés peuvent être fondées par un ou plusieurs individus. Ces membres fondateurs sont généralement les propriétaires de la société et sont appelés actionnaires. Ensemble, ces membres fondateurs déposent les documents de fondation de la société auprès de Corporations Canada, du Registre des entreprises du Québec, ou parfois des deux. Ces documents de fondation comprennent des renseignements sur le nom de la société, son emplacement, les catégories d’actions, ainsi que les noms et adresses des actionnaires et des administrateurs (nous y reviendrons). Une fois la demande soumise, les documents fondateurs ont été envoyés et les droits de dépôt payés (qui varient entre 330 $ et 550 $ environ, selon qu’il s’agit d’une société provinciale ou fédérale), la société n’a plus qu’à obtenir l’approbation de l’autorité compétente (c’est-à-dire le certificat de constitution émis par le gouvernement) pour être officiellement considérée comme constituée. Lorsque la société est constituée, les actionnaires peuvent élire des administrateurs pour gérer l’ensemble des affaires de la société. Ces administrateurs engagent ou nomment ensuite divers dirigeants (le président, le vice-président, le secrétaire et le trésorier) pour gérer les affaires courantes de la société. Dans de nombreux cas, comme dans les petites entreprises, un groupe de personnes (ou même une seule personne) occupe plusieurs ou même tous les rôles énumérés ci-dessus. Bien entendu, il existe de nombreuses autres formalités à respecter tout au long de l’année fiscale, mais elles peuvent toutes être prises en charge par un avocat et/ou un comptable.

  1. Avantages et inconvénients

Le modèle d’entreprise offre actionnaires une série d’avantages, notamment la responsabilité limitée et des taux d’imposition effectifs plus faibles.

Souvenons-nous, la société est une personne morale distincte. Les personnes physiques ont des droits et des responsabilités. Parmi ces droits et responsabilités figurent le droit de posséder, de partager, de profiter et de disposer de divers types de biens. Les individus peuvent conclure des contrats avec d’autres individus et ont diverses obligations à l’égard de l’État. Les sociétés ont également ces droits et responsabilités, car le législateur leur a conféré la personnalité juridique. La personnalité juridique est donnée aux sociétés afin qu’elles puissent avoir la capacité d’agir comme les personnes physiques sans avoir tous les droits qui leur sont conférés.

Comme il ne s’agit pas de personnes réelles, il est plus facile de considérer les sociétés comme des véhicules exploités par des personnes réelles, comme des « avatars » des individus qui les composent. La société joue donc un rôle de barrière entre les personnes qui la composent (actionnaires, administrateurs et dirigeants) et le reste du monde. Ainsi, alors que les actionnaires sont propriétaires de la société car ils détiennent les actions de contrôle, la société est propriétaire des actifs qui permettent à l’entreprise d’opérer. Il s’ensuit que la société, et non les actionnaires, détient les passifs de l’entreprise. Les actifs/passifs personnels des actionnaires et les actifs/passifs de l’entreprise sont donc séparés et les créanciers ne peuvent pas saisir les actifs personnels des actionnaires en cas de dettes, sauf si – en général – l’actionnaire a accepté de se porter caution (ou de garantir) certaines dettes de la société ou si un actionnaire a commis une forme de fraude ou de détournement de fonds. Les actionnaires et leurs actifs sont donc à l’abri de la plupart des formes de responsabilité en cas de faillite, de poursuites civiles et d’autres procédures incidentes qui affecteraient normalement l’entrepreneur individuel.

Les inconvénients évidents ont déjà été évoqués ci-dessus. La structure de la société peut être plus compliquée à administrer et les frais de manutention de la structure sont très certainement plus élevés que ceux qu’engendrerait l’entreprise individuelle. Des assemblées des actionnaires et des administrateurs doivent être tenues, et les actes officiels de la société qui en découlent doivent être consignés dans un « livre des minutes », l’un des nombreux instruments qui doivent être méticuleusement préparés, conservés et, parfois, publiés. En outre, les sociétés qui font des affaires au Québec en particulier doivent être immatriculées au REQ (voir le paragraphe ci-dessus sur l’inscription), laquelle immatriculation doit être renouvelée annuellement.

 

CONCLUSION ET MISE EN GARDE

En conclusion, le présent article avait pour but de fournir au lecteur une comparaison sommaire, bien qu’instructive, entre deux types populaires d’association commerciale à la disposition des entrepreneurs québécois. Dans cette optique, l’entreprise individuelle et le modèle corporatif ont été évalués indépendamment pour leur valeur respective et comparés pour démontrer leurs forces et faiblesses relatives.

Le lecteur est prié de noter que cet article est purement informatif et qu’il ne constitue pas un avis juridique. Cet article ne permet pas au lecteur d’acquérir une compréhension assez complète des sujets abordés qui lui permettrait de prendre une décision pleinement éclairée. Il est fortement suggéré au lecteur de consulter un conseiller juridique ou un comptable agréé afin d’explorer la meilleure solution pour les besoins de son entreprise.

 

  1. L’auteur est un membre du conseil d’administration de la Chambre de commerce et d’industrie de Montréal-Nord et un avocat exerçant sa pratique auprès de la société Stella-Jones Inc.
  2.  Dans le présent texte, le genre masculin ainsi que le nombre singulier sont utilisés uniquement pour alléger et faciliter la lecture.